Entre manque et refus de nature : une question d’adhésion
Lundi 4 octobre 2021 / 18h15-20h00 / Salle communale de St-Saphorin
Travailler à l’extérieur avec des enfants très jeunes apporte beaucoup de satisfactions car leur adhésion à cette forme scolaire est très souvent spontanée et enthousiaste. Plus on avance dans les degrés de la scolarité, moins le rapport à l’environnement « naturel » (forêt, montagne, lac ou rivière) va de soi. Force est de constater qu’il y a une résistance à sortir en nature dans certaines classes, au secondaire en particulier, et que cette réticence, quand ce n’est pas un refus frontal ou un boycott, doit nous interpeller et être interrogée. Il s’agit d’aller au-delà d’une vision stigmatisante de l’ado trop aliéné par ses réseaux et écrans et/ou ses baskets blanches, qui n’aimerait ni marcher ni les joies simples du plein air. Il s’agit aussi de dépasser un diagnostique individualisant et pathologisant dont le best-seller de Richard Louv se fait le porte-parole. Il diagnostique chez ces jeunes un « nature-decit disorder » où l’idée d’un manque pathologique de nature s’est imposée, conséquence entre autres d’une surstimulation numérique. Cette thèse est intéressante, mais, du point de vue éducatif, nous devons aller plus loin pour être opérants-es et nous questionner sur le système de valeurs que promeut implicitement notre pratique de l’outdoor education. Tout comme pour les questions de genre, il y a dans la pratique de l’outdoor education une dimension sociologique et politique qui se traduit par une composition incroyablement homogène des acteurs-trices du champ de l’outdoor. Nous sommes généralement blanches, bien formées, de classe moyenne-sup, cultivées, actives au niveau associatif et tendanciellement de gauche. Nos enseignements dehors peuvent-ils alors valoriser la culture d’une classe sociale ou des valeurs identitaires et/ou morales d’attachement à des éléments du paysage (l’injonction morale à aimer les montagnes, symbole d’effort, par exemple) et provoquer du rejet parmi les élèves d’autres classes sociales. Cette hypothèse est sujette à discussion et il s’agit de nous confronter à cet état de fait pour que l’environnement raconte aux élèves une histoire qui inclut, dépathologise, donne du courage et ouvre à des futurs multiples.